La voie est libre quand la voix se réalise
A la notion de biographie, il préfère celle de trajectoire(s). Une façon de mettre son interlocuteur en prise et aux prises avec la mise à prix d’une topologie de parenthèses que la psychanalyse use comme d’une corde vocale.
A ce titre, le nouage de sa pratique de psychanalyste avec celle de chanteur lyrique amateur le conduit à interroger d’une part les limites de la “substance pensante” et de la “substance étendue”, d’autre part ce qui les précède de façon inouïe et invisible “la substance jouissante”[1]. Pour la mise en voie de notre infini créateur.
Aussi… Quand il parle, sa voix résonne d’une démarche ouverte à la profondeur de champ d’un sens que la voie esquisse comme un chant avant de disparaître dans l’entre d’eux. Pour y enfanter le Trois qui danse par-dessus les toits, vers l’aine d’un point où “Jouir du savoir, c’est attraper un bout de réel qui n’est plus la troisième dimension apparue à côté des deux autres mais ce qui les fait trois… Instant inoubliable”[2]
Ses mains tentent d’attraper l’albatros échappé de l’œil du cyclope, car la vie est un opéra où les sourds sont rois. Comprenne qui pourra. L’important est de ne pas se laisser enfumer dans l’antre mais de rester à l’écoute de grand voile placée derrière le divan.
“A l’écoute des histoires sur la sexualité et l’amour du père chez les hystériques qui souffrent de symptômes, Freud transmet que le psychanalyste opère par la parole et seulement par la parole. Ce qu’il entend, c’est que ce qui se dit à partir de ce qu’il nomme “Unbewusst” participe de l’équivoque, équivalence du son et du sens, au principe du mot d’esprit”.
Il réveille Ulysse attaché au pied de son mat car il renouvelle le code d’accès à la règle de trois. L’équipage resserre ses liens et son capitaine est confiant. Ithaque est au bout de la vague qui caracole comme un cheval sur l’abîme. L’opération a réussi. La belle Hélène ne fut qu’une poire pour la soif des guerriers de l’Iliade.
“L’imaginaire est d’or, il nous endort. Il dirige les histoires de l’histoire qui ne cesse de s’écrire toujours de la même façon. Freud nomme cette nécessité, répétition.”
A ce titre, jean Charmoille, psychologue, docteur en médecine, psychanalyste, psychiatre, défie la conjonction de coordination en réhabilitant l’apostrophe. Quant à l’odyssée, il le rebaptise ” après-coup” où s’épanouit “ce savoir, quand nous avons ouï/joui, consenti au “oui”, sans le savoir, quand trois nous a sonné de sa “corps-sistance”, aspiré au cœur du chœur des sirènes métamorphosées, un jour, en cri, celui du Don Juan de Mozart. “Depuis, notre expérience de psychanalyste s’est appareillée avec celle de ténor lyrique amateur, à l’instar de Lacan avec ses bouts de ficelle”
Comme Ulysse ligoté à ses ronds d’écoute, “Lacan manipule des ronds de ficelles et dessine au tableau noir. Se trompe-t-il ? Qu’importe. Il y revient, demande des avis. Certains le croient dément. Rien ne l’arrête. Il est envahi par cette écriture qui lui permet l’épreuve du noeud borroméen.”
L’antre de l’entre accouche de l’Autre dans l’œil du cyclone dont le souffle étreint” jusqu’à ce que soit touché du doigt un autre espace, un autre temps, espace-temps, celui de l’Autre où le signifiant se pose” Comme un oiseau-né.
Jean-Yves Montagu